Rencontre avec Yves De Rochefort

Lors des Journées Portes Ouvertes, qui ont eu lieues dimanche 17 avril 2016, nous avons visité les moulins d’Yves de Rochefort.

Contact : Yves de Rochefort

Adresse : Chemin de la Giraudière 45160 ST HILAIRE ST MESMIN

Courriel : bonjour@famillerochefort.fr

Mais qui est Yves de Rochefort?

Meunier passionné et passionnant, fils de céréalier, Yves de Rochefort a eu la volonté de reprendre l’exploitation de ses parents et de développer la partie transformation des céréales jusqu’aux produits finis.

La vraie question n’est pas de savoir s’il est difficile de s’installer mais comment faire pour y croire ! Question de volonté et de foi !

Pendant 1h, Yves de Rochefort nous a transmis sa passion en nous présentant son exploitation, ses céréales et aussi et surtout ses moulins!

Sous forme de questions/réponses nous allons vous faire vivre ce moment de partage et d’échange.

Question : Comment se structure votre exploitation ?

Yves : Nous sommes arrivés il y a un an et demi au sein des locaux à Saint-Hilaire-Saint-Mesmin (chemin de la Giraudière).

Nous avons 70 hectares 100 % bio à Patay, sur la route de Châteaudun, dans la famille depuis des 100ène d’années. Aujourd’hui, si nous n’avions pas pris la décision de faire des produits finis avec ce que l’on cultive, nous aurions revendu au plus offrant. Je ne sais pas si vous avez entendu mais il y a des chinois qui ont acheté 15k€ /ha dans le Berry…

La vraie question n’est pas de savoir s’il est difficile de s’installer mais comment faire pour y croire ! Question de volonté et de foi !

Il faut savoir qu’une exploitation agricole, et surtout en agriculture biologique, est organisée d’un assolement spécifique. Un assolement est une surface exploitable divisée (ici chez nous, division en 6) et chaque année nous changeons de culture pour que l’année suivante la culture qui va arrivée sur la précédente puisse se développer et avoir un rendement normal. C’est impossible pour nous de faire une monoculture chaque année, car le rendement sera diminué et il y a aura une mauvaise culture, des développements de maladies et nous aurons beaucoup de mal à récupérer notre terre. Il faut donc respecter cet assolement.

Aujourd’hui, notre assolement est constitué de :

  • entre 3 et 4 hectares de pommes de terre,
  • entre 3 et 4 hectares d’oignons,
  • 5 hectares de courges, surtout des potimarrons et butternut,
  • entre 2 et 3 hectares en quinoa,
  • le reste est constitué de petit épeautre, de blé, de sarrasin, et de seigle.

Toutes les céréales sont transformées et valorisées. Cette transformation est rendu possible grâce aux moulins en meule de pierre et la fée électricité qui fait tourner la meule.

Comment cela fonctionne ? C’est relativement simple.

Le grain est déposé dans les vises sans fin, qui va elle les acheminer dans 4 boisseaux. Il y en a deux par moulin. Par gravité, les grains vont redescendre jusqu’au deux meules (démonté le jour de la visite pour que l’on puisse voir). Il va tomber entre les deux meules, la gisante et la mouvante.

Chemin faisant, nous nous sommes développés depuis 5 ans, nous travaillons, en fonction de nos besoins, avec d’autres agriculteurs (une dizaine) autour de Patay, qui cultivent les mêmes céréales et d’autres que nous ne produisons pas sur notre assolement. Nous transformons l’ensemble des produits.

A titre d’exemple, nous réalisons des pâtes (tagliatelles et torsades) en partenariat avec Mr Fabre à Bourges qui transforme notre farine en produit finis.

Question : Pourquoi êtes-vous installés à Saint-Hilaire-Saint-Mesmin ?

Yves : Ah si c’est une très bonne question !! Déjà parce qu’il fait bon vivre ! (rire). Je vous explique mon parcours : mon père est agriculteur, j’arrive, j’ai rien, pas un centime en poche, sauf ma bonne volonté ! Je prends un garage en centre-ville d’Orléans (rue Gratteminot 45000 Orléans) et c’est pour ça que mon siège social est là-bas. Dans un 1er temps, c’est un meunier qui me faisait ma farine. Je lui achetais ses sacs et je les livrais dans les magasins orléanais.

Chemin faisant, je me suis un peu développé. Là, j’ai sous-traité dans un 1er temps à des étudiants, puis à des handicapés à l’ESAT d’Artenay, le conditionnement de tous ces sachets. Aujourd’hui, nous travaillons toujours avec eux. Nous avons acheté un 1er moulin que l’on a installé à Artenay. Ça a duré un temps, nous avons investi dans un 2ème moulin. Ces deux moulin, nous les avons installés à Chevilly puis ici (à Saint Hilaire-Saint-Mesmin). Pourquoi ? Depuis 2010, nous essayions de trouver des débouchés et deux d’entre eux est « la ruche qui dit oui ! » ainsi que la Ferme des Perrières avec qui nous avons beaucoup travaillé (livraison de fruits et légumes). Beaucoup de transports. La logistique c’est un point clef dans tout commerce et je me suis aperçu que je faisais 100e voire des 1000e de km chaque semaine rien que pour aller chercher les marchandises. Aussi beaucoup des personnes avec qui je travaillais étaient ici donc logiquement je me suis installé au carrefour de tous ces déplacements. Le 2e signe c’est que ma femme est Olivétaine et elle m’a dit : « C’est au Sud de la Loire ou rien !!« (rire)

Aussi, nous avions besoin d’installer les moulins et notre stock au frais dans des frigos. L’installation à Chevilly d’un frigo était estimé à 50k€ dans un local en location… C’était un peu compliqué. Et puis en discutant autour de moi, je me suis renseigné pour savoir s’il n’y avait pas des frigos disponibles. Et bien si ! M. et Mme Durant (agriculteur à la retraite et propriétaire des lieux à Saint-Hilaire). Ils étaient ravis !

Les frigos ont d’énormes avantages :

  • Conserver les courges l’hiver
  • L’été je mets tout mon grain. En 2015, ça m’a sauvé (fortes chaleurs). La température est bloquée à 18 °C en permanence car à plus de 18°C pendant 3-4 jours, il y a des petits bêtes, type charansson, qui se développent (mes produits sont bio, donc aucun conservateur). Cela limite nos pertes produits.
  • Dans les deux autres frigos : j’ai installé les moulins dans l’un d’eux car il me permet de gérer la condensation. La farine quand elle sort du moulin elle est à 28°C, puis passe dans une glutrie (lieu où l’on tamise la farine). En hiver, quand il fait -2°C et que vous n’avez aucune protection, il fait -2°C dedans aussi ! Donc ça veut dire qu’il y a de la farine à 28°C qui contient de l’humidité qui peut arriver sur des parois plus froides. Si l’eau arrive sur la farine, ça fait de la pâte, ça bloque le moulin et les conséquences sont dramatiques. Aujourd’hui, grâce à tout ça en hiver, il fait en moyenne 15°C dans la pièce donc je n’ai plus de condensation. C’est génial pour moi !!

Je paye 1100€ / an pour avoir l’autorisation de mettre le logo AB.

Question : En Beauce, il y a beaucoup d’agriculteurs conventionnels. Comment faites-vous pour rester bio ?

Yves : Déjà, je suis pro agriculteurs ! Vive les agriculteurs ! Ce sont eux qui nourrissent la France. Notre chance ici, c’est que nos parcelles sont d’un seul tenant (parcelles accolées). 3 frontières : 1 route et 2 voisins. Nos voisins producteurs sont en agriculture conventionnelle et chacun se respecte depuis 30 ans.

Nous nous entendons très bien aussi avec le service des fraudes d’Orléans (rire). Ils viennent tous les ans, pour réaliser 2 échantillons aléatoires, qu’ils font analyser par un laboratoire indépendant : ils n’ont détectés aucun problème à ce jour.

Question : Comment obtenez-vous la certification Bio ?

Yves : Dans le monde du Bio (producteur, éleveur, distributeur…), nous devons contractualiser un certificateur. C’est une entreprise privée, il y en a une 10e en France. Son travail est de venir 3 fois par an dont une fois de manière inopinée pour contrôler le respect du cahier des charges légal de l’agriculture bio et réaliser des prélèvements aléatoires. Je paye 1100€ / an pour avoir l’autorisation de mettre le logo AB.

Question : Comment gérez-vous la proximité avec des parcelles accolées en agriculture conventionnelle ?

Yves : Quand un voisin va mettre des produits phytosanitaires ou un engrais chimique dans une parcelle bio, le résultat va être flagrant. Car votre blé au lieu de faire 40 cm il en fera 60 cm. Et le certificateur s’en rendra compte tout de suite. Ca crève les yeux ! Impossible de ne pas le remarquer.

Si jamais ça arrive, l’agriculteur doit appeler sont certificateur et lui dire qu’il a une zone qui a été infestée et qu’il va la détruire. Elle ne sera pas prise en compte. Et le jour du contrôle, le certificateur est au courant que cette zone ne sera pas récoltée ni mise en vente.

Question : Sur les sachets de vos produits, il y a d’autres mentions. Que signifient-elles exactement ?

Yves : La certification AB est constituée de 2 éléments obligatoires : le logo AB accompagné d’un logo UE (feuille verte).

Ensuite, il y a une autre mention, celle de la provenance. Si vous avez un produit où il y a indiqué « Agriculture France », cela veut dire que 100% de ce qui se trouve dans cet emballage a été cultivé en France.

Après, je ne me prononce pas sur d’autres pays. S’il y a écrit « Agriculture UE/ non UE »…. C’est un choix de consommation.

Question : Cette mention est-elle obligatoire (« agriculture France ») ?

Yves : Oui c’est obligatoire. Vous verrez, dans mes produits transformés (les pâtes à l’encre de seiche et à la spiruline) j’ai été obligé, avec un taux de 2.5 à 3%, d’écrire « agriculture UE/ non UE » (Spiruline vient d’Amérique et l’encre de seiche vient d’Espagne). Même si vous avez 0.5%, vous êtes obligé de mettre la provenance.

Question : Que faites-vous du son ?

Yves : Dans les faits, le son est une matière végétale qui peut toujours être valorisée. Tous les sons, sauf celui de sarrasin, peuvent être destinés à l’alimentation animal. Il y a trois débouchés potentiels :

  • Les industriels mais il faut une quantité supérieure à 24T et moi je fais des années à faire cette quantité
  • Les éleveurs. Il n’y a que les cochons qui a besoin de sa ration de blé. Et des éleveurs de cochons qui n’y en a pas beaucoup dans le coin. Aussi l’éleveur de cochons ne va pas automatiquement prendre le risque de faire sa ration. Il faut imaginer il y a ses cochons, ses objectifs. Il faut qu’il maitrise suffisamment bien l’aspect diététique de son aliment pour oser mettre mon son dedans. C’est très compliquer… Depuis 1 mois, j’ai trouvé un éleveur de cochons qui est à Vendôme (dont on a mangé du jambonneau ce midi…rire). Je l’ai trouvé en cherchant du sarrasin ! J’ai demandé au GABOR (Association AB 45 – Loiret Centre) « qui fait du sarrasin ? » et ils m’ont redirigé vers cet éleveurs. J’espère maintenant que mon son de blé sera mangé par ses beaux cochons !
  • Pour le jardin en paillage. On vient de créer la cosse de sarrasin pour le paillage des plates-bandes !! C’est préconiser pour éloigner les limaces et garder l’humidité.

Toutes les céréales sont différentes, c’est comme les femmes 😉 (rire). Pour le blé, on espère un rendement de 75%, ce qui veut dire que 25% du grain de blé va devenir du son. Le sarrasin on est entre 60 et 65% ; le seigle on est à 50- 55% ; le petit épeautre (une fois décortiqué) 70-75% ; le grand épeautre 80%.

Question : Et la farine de quinoa ?

Yves : Nous ne le faisons pas ici tout simplement car nous n’avons pas les machines. Il faut un trieur optique. Il y en a un à côté de Châteaudun. La machine coûte environ 100k€… Le principe : les graines tombent les unes après les autres et vous avez des caméras à qui nous donnons la couleur, la forme, la taille de la graine que l’on veut garder. Et tout ce qui ne correspond pas est soufflé.

Cependant, nous avons fait des essais début 2016, avec M. Fabre (pour les pâtes) mais nous n’en faisons que très très peu en raison d’une demande faible et aussi car nous n’en avons pas suffisamment.

Question : Est-ce pour ça que le quinoa coûte aussi cher ?

Yves : Non pas tout à fait, faire pousser du quinoa bio est relativement compliqué en France. A titre d’exemple, l’année dernière, nous avons semé 75 ha pour n’en récolter que 15 ha !

Question : Quels sont vos principaux clients ?

Yves : Je vends principalement aux magasins spécialisés d’Orléans, région Centre- Val de Loire et région parisienne. Pour les particuliers, vous pouvez aussi les acheter chez Eric Duriez, repreneur de la Ferme des Perrières. Nous participons aussi à des foires et des festivals. Nous serons à WE LOVE GREEN à Paris, le festival de Loire en Septembre. Après, il y a une vraie période creuse : l’été (vous êtes en vacances !)

Question : Et pourquoi pas les boulangers ?

Yves : Autant c’est facile de faire de la farine autant c’est quasiment impossible d’en vendre aux boulangers. Pourquoi ? Il faut avoir de la régularité et de la force (dans la farine). Les meuniers industriels ajoutent des produits (après analyse de la farine) pour combler les manques de force, comme du gluten de blé. Grosso modo, on demande aux agriculteurs de faire de la poudre blanche auquel on va ajouter du gluten. Tout ce qui n’est pas « baguette Tradition », c’est ce principe. Donc je vous encourage fortement à prendre cette baguette, car une seule chose peut être ajoutée c’est du gluten et pas les autres produits chimiques…

Nous vendons aussi très mal aux boulangers car en plus de la farine, ils souhaitent du conseil, se lever moins tôt et ça je ne suis pas en mesure de leur fournir ce service. La dernière chose, c’est que les « gros » meuniers sont beaucoup plus forts que moi. Ils ont une force de frappe que je ne peux pas avoir. C’est impossible. Il y a cependant quelques boulangers, comme celui de Cercotte, Isabelle Gallier (marché Place du Martroi), le fournil de Venci, qui acceptent de travailler avec moi et donc d’avoir des aléas.

Si comme nous, vous avez aimé découvrir les farines d’Yves de Rochefort, n’hésitez pas nous en faire part! Nous avons à cœur de mettre en avant des hommes, des femmes, des acteurs locaux qui nous donnent la possibilité de consommer autrement!

2 commentaires sur “Rencontre avec Yves De Rochefort

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